Le Marquis de Sade

Que dire sur celui dont le nom a été utilisé en 1834 par Pierre Claude Victor Boiste pour le créer le mot « sadisme ».

Si le marquis de Sade a tant fait parler du lui, c’est probablement parce qu’il a été le premier à écrire une œuvre aussi subversive, qui plus est argumentée d’un point de vu philosophique, donc faite pour convaincre.

Lire Sade est en effet déroutant. On se sait être en présence des écrits d’une personne malade, mais on est également gêné par la précision et la logique avec lesquelles ses personnages justifient leurs actes inhumains. Il faut ainsi un temps de réflexion pour trouver la faille dans leurs raisonnements, et par là même se convaincre que l’on est différent, sain d’esprit, et que les conclusions auxquelles ils aboutissent sont erronées.

Cette dualité est le principal oubli que font les improvisateurs lorsqu’ils jouent à la manière de Sade. En fait, la construction d’un récit du marquis de Sade est très simple, la seule limite pour l’improvisateur sera celle de la décence de ce qu’il peut montrer au public, pas celle de la complexité du style de l’auteur.

Voici une liste d’éléments qui feront que votre improvisation sera Sadienne, définie à partir de la lecture de « Justine ou les malheurs de la vertu », préfacé par Béatrice Didier :

  • Le récit est celui d’une jeune ingénue pleine de vertu dans un monde qui n’en contient aucune.
  • Le départ de l’histoire est un changement brutal de la situation du personnage principal. Elle passe d’un vie sans problème matériels, à une situation de dénuement dans laquelle elle va devoir elle même subvenir à ses besoins
  • Le récit sadien n’est qu’une éternelle répétition. L’héroïne croise la route de personne(s) vil(s), est victime de leurs outrages, s’échappe plus ou moins miraculeusement, puis retombe entre les mains d’autres personnages non moins vils.
  • Les personnages vils rencontrés par l’héroïne ont tous en commun leur égoïsme, leur sadisme, mais aussi leur réussite dans la société. Chez Sade, le crime paie, et il paie très bien, alors que la vertu condamne au malheur.
  • Parmi les personnages vils de Sade, on rencontre soit des voleurs qui ne se font jamais prendre, soit des figures habituellement respectables mais dont les actes condamnables sont effectués dans le plus grand secret, et qui conservent ainsi toute l’estime de la société. On croise ainsi des médecins, des moines, des évêques, des comtes, des barons…
  • L’une des explications de l’origine du sadisme dans la psychologie moderne est la conviction d’un être en son incapacité à procurer un bonheur durable à l’un de ses semblables. Il se réfugie alors dans la provocation de la douleur chez autrui, de laquelle il tire alors son plaisir. C’est un des points de vu défendu à force d’argumentation par les personnages vils de Sade, qui essaient ainsi de convaincre l’être vertueux. Ils cherchent à démontrer que quoi que l’on fasse autrui ne sera jamais satisfait de nos efforts, et que, demandant toujours autre chose, il ne sera pas possible de faire son bonheur. Ainsi, les personnages sadiens préfèrent dispenser le mal et la douleur, qu’ils parviennent à susciter de façon certaine.
  • Un autre point de vu que les personnages de Sade défendent pour justifier leur comportement destructeur est la nécessité d’avoir dans la nature autant de bien que de mal, et que cette nature ne laisserai pas exister des êtres qui ne la servent pas. Ainsi, expliquant sur plusieurs pages qu’ils ne font que rétablir l’équilibre de la balance entre le bien et le mal, ils affirment que si leur actions n’étaient pas utiles à la Nature (car Sade ne croit pas en l’existence de Dieu), celle-ci ne leur aurait pas permis d’exister.
  • Si les personnages vils de Sade sont principalement des hommes, il y a tout de même quelques femmes parmi eux, non moins cruelles d’ailleurs.
  • Selon les endroits dans lesquels l’héroïne se retrouve, il lui arrive de ne pas être la seule prisonnière de ses géoliers « libertins ». Ces autres personnages permettent à Sade, par ce qu’il leur arrive ou par leur récit, de donner un idée du sort qui attend le personnage principal.
  • L’héroïne est généralement retenue prisonnière dans des lieux pleins de sous-terrains et de tunnels (abbaye, château…). Sade décrit assez souvent de façon méthodique tous les dispositifs mis en place pour empêcher toute évasion. Il était adepte des classifications, si bien qu’on les retrouve lorsque les détenues sont nombreuses, car elles sont alors classées par âge, avec des vêtements différents, l’organisation de leurs journées est détaillée, tout comme le contenu de leurs repas.
  • Je ne détaillerai pas les scènes sadiques, je préciserai simplement que notre siècle ne semble rien avoir inventé dans ce domaine, tellement l’imaginaire de Sade était subversif et prolifique. À cela s’ajoute l’utilisation de remèdes miracle permettant de guérir les plaies, fournissant ainsi à Sade des personnages jouissant d’une sorte d’éternelle virginité, et ce quelque soit la gravité des blessures.

Pour résumer, une improvisation à la manière du marquis de Sade peut se construire de la façon suivante : une héroïne ingénue et pleine de vertus tombe entre les mains d’un ou plusieurs personnages sadiques, ils commencent par justifier leur agissements par tout un argumentaire faisant référence à la volonté de la Nature, à l’équilibre entre le bien et le mal et à l’origine de leurs propres désirs. Ils passent à l’acte en faisant subir à l’héroïne sévices et tortures. Elle arrivent ensuite à se soustraire à leur emprise pour tomber entre les mains d’un nouveau personnage tout autant sadique, mais de façon quelque peu différente.

Le Marquis de Sade